Publié le février 6, 2015
Catégorisé dans

Je viens de lire un article sur la détresse morale chez les médecins et les infirmières qui soignent les gens gravement malades. Cela m’a vraiment touchée, moi qui viens tout juste de vivre une horrible expérience avec ma propre mère nonagénaire.

Ma mère a subi son premier de plusieurs AVC voilà maintenant 11 ans. Ma première visite à l’hôpital a été tout un choc. Je n’avais encore jamais entendu parler de procuration, de directive préalable, de tuteur ou de mandataire. Le médecin m’a demandé si ma mère avait pris de telles dispositions. Après m’avoir réexpliqué ce qu’il me demandait, il m’a proposé de discuter avec ma mère de ses volontés, là, devant lui, à ce moment précis. J’ai donc demandé à ma mère si elle souhaitait être réanimée, intubée, etc. – en d’autres mots, être maintenue en vie de façon artificielle -, et sa réponse a été NON.

Depuis 11 ans maintenant, ma mère est soignée de la façon suivante : on lui donne des antibiotiques si elle fait une infection, on lui fait des prises sanguines ou des radiographies pour diagnostiquer ses symptômes, mais il a clairement été expliqué aux médecins que si son cœur s’arrêtait, il fallait respecter son ordonnance de non-réanimation.

À la fin du mois d’août 2014, ma mère est tombée malade et a vomi pendant toute une journée, puis n’a rien mangé ni bu le lendemain. Elle s’est donc déshydratée très rapidement, et a dû être admise à l’hôpital. S’en est suivi un véritable cauchemar de 10 jours pour ma mère et moi.
Ma mère s’est mise à respirer anormalement après avoir été sur intraveineuse pendant cinq jours, aspirant par la bouche et expirant par l’abdomen. Elle est restée comme ça pendant 24 heures, et personne ne pouvait m’expliquer ce qui se passait. Je pouvais entendre du liquide dans sa gorge, alors j’ai demandé si on l’hydratait peut-être trop, mais je n’ai jamais réussi à avoir une réponse claire du personnel médical. J’ai donc exigé qu’on diminue son intraveineuse. Le lendemain, vers midi, j’ai essayé de réveiller ma mère pour le dîner. Elle n’a pas réagi, alors j’ai appelé l’infirmière. Après quelques minutes, celle-ci m’a informée que la pression sanguine de ma mère chutait, puis m’a demandé ce qu’elle devait faire. Je lui ai répondu que je ne comprenais pas ce qu’elle me disait, et lui ai demandé d’être plus claire. Elle m’a répété la même chose, et je lui ai redemandé de m’expliquer ce qu’elle me demandait, lui faisant comprendre que je ne pouvais pas lui dire quoi faire si je ne comprenais pas ce qu’elle me disait. Mais en vain. Elle n’en a pas dit plus. Je lui ai finalement demandé d’aller chercher un médecin; elle a répondu que c’était ce qu’elle prévoyait faire, mais elle voulait d’abord que je lui dise quoi faire. J’ai ni plus ni moins dû DEVINER qu’elle me demandait quelles étaient les volontés de ma mère. Je lui ai dit que ma mère ne voulait pas être réanimée, puis j’ai ajouté « est-ce que c’est ce que vous me demandez? ». Elle est restée là, en silence, à me regarder. Je lui ai ensuite demandé si on pourrait donner des médicaments à ma mère, et elle a répondu oui. Je lui ai donc demandé de lui donner quelque chose. À ce moment-là, trois infirmières sont entrées dans la chambre, poussant un chariot d’intervention d’urgence. C’est à ce moment que j’ai compris la gravité de la situation. En fait, non. J’ai demandé si ma mère était en train de mourir. Toujours pas de réponse. Les femmes m’ont plutôt dit de les laisser faire leur travail. Finalement, le cœur de ma mère était en fibrillation auriculaire, alors on lui a donné un médicament pour ralentir son rythme cardiaque. Ma mère a survécu à l’épisode : le rythme sinusal a fini par se rétablir. En résumé : l’infirmière n’avait aucune idée des volontés de ma mère, même si tout était consigné dans son dossier.

Depuis ce jour, j’éprouve du chagrin, je revis souvent l’incident en pensée, et j’ai des périodes de dépression. Je souhaite qu’aucune famille n’ait à vivre ce que j’ai vécu. Je crois fermement que les familles doivent discuter de leurs choix et de leurs décisions bien avant qu’un des leurs soit gravement malade et aboutisse aux soins intensifs.